L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), en vigueur depuis 2020, couvre un marché de 500 millions de personnes et représente près de 30 % de l’économie mondiale. Chaque jour, 5,3 G$ d’échanges commerciaux franchissent les frontières des trois pays (près de 2 000 G$ par année). Le premier examen conjoint de cet accord, prévu en 2026, est donc un enjeu crucial pour le pays.
Le secteur agricole canadien est directement interpellé par cet examen. En 2023, les échanges commerciaux avec les États-Unis constituaient près de 60 % des exportations agroalimentaires canadiennes et plus de la moitié des importations de denrées alimentaires. Du côté forestier, le principal marché d’exportation des produits canadiens se trouve aussi aux États-Unis, où le bois d’œuvre résineux sert à la construction résidentielle. C’est pourquoi nous avons profité des consultations publiques en cours pour identifier un certain nombre d’enjeux.
Tout d’abord, nous avons rappelé que le Canada a accordé, lors des négociations, un accès supplémentaire de 3,9 % au marché laitier canadien (perte perpétuelle de 190 M$ par année). Il a aussi consenti à une ingérence américaine dans sa politique laitière (élimination de la classe 7, plafonnement et surtaxe des exportations de solides non gras et droit de regard sur tous les changements à la classification et aux prix de vente du lait). Le Canada a également concédé des parts de marché dans les secteurs de la volaille et des œufs. Les compensations fédérales n’ont jamais pleinement compensé les producteurs et les transformateurs.
L’examen conjoint ne prévoit pas une renégociation proprement dite. Toutefois, dans l’éventualité où l’une des parties exprimerait son intention de réviser certains éléments de l’ACEUM (déclenchant ainsi le processus de négociations), nous avons demandé au gouvernement canadien de défendre l’intégrité du système de la gestion de l’offre, qui est essentiel à la sécurité alimentaire du pays, à la pérennité de quelque 14 000 familles agricoles au Canada ainsi qu’à celle de centaines de municipalités rurales.
L’importance de la gestion de l’offre pour le Canada et le Québec (40 % du marché agricole québécois) milite d’ailleurs très fortement en faveur de l’adoption du projet de loi C-282, actuellement à l’étude au Sénat canadien. Rappelons que ce projet de loi interdirait la signature d’accords mettant en péril le système de gestion de l’offre, soit en augmentant les contingents tarifaires ou en diminuant les tarifs. Il est impératif de retirer cet enjeu de la table de négociation.
En cas de réouverture de l’ACEUM, nous avons aussi demandé au gouvernement canadien de renforcer l’harmonisation réglementaire entre les trois pays. Plusieurs secteurs agricoles d’exportation font actuellement face à des barrières non tarifaires qui limitent leur accès à certains marchés, alors que d’autres sont désavantagés par rapport aux importations concurrentes (en raison de différences dans les normes de phytoprotection, de biosécurité, de sécurité alimentaire et de bien-être animal).
Nous avons aussi rappelé les différends commerciaux récurrents entre le Canada et les États-Unis sur la question du bois d’œuvre. Les producteurs de bois en forêt privée sont également affectés par les mesures compensatoires américaines. Ces producteurs font l’objet d’un dommage collatéral qui oppose les scieurs américains à la gestion étatique des forêts publiques canadiennes.
Fondamentalement, l’ACEUM est un accord commercial essentiel pour le Québec et le Canada puisqu’il renforce l’accès aux marchés américain et mexicain, garantit une stabilité économique et protège les chaînes d’approvisionnement fortement intégrées. Nous soutenons aussi le gouvernement canadien dans ses initiatives visant à élargir l’accès aux marchés et à diversifier les possibilités commerciales pour les produits agroalimentaires. Ces efforts sont importants pour les secteurs de production québécois qui exportent beaucoup, comme le porc, l’érable, les fruits et légumes, les grains et les céréales. Il importe toutefois de protéger intégralement le système de gestion de l’offre, garantissant ainsi un avenir alimentaire prospère et durable pour les Canadiennes et les Canadiens.