Plusieurs médias ont rapporté, ces derniers jours, les ratés du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) en matière de protection des milieux humides. Depuis 2017, les promoteurs doivent en effet verser une compensation financière pour obtenir une autorisation de les détruire. Ces sommes doivent servir à la création ou à la restauration d’autres milieux humides.
En six ans et demi, le ministère aurait autorisé des milliers de projets entraînant la destruction de milieux humides (173 M$ en compensations financières). Il n’aurait toutefois investi que 1 % de ces fonds, à ce jour, dans la création ou la restauration de 49 milieux équivalents (1,7 M$). Comme l’ont signalé plusieurs experts, ce « rythme de croisière » est nettement insuffisant pour atteindre l’objectif de zéro perte fixé par le MELCCFP. Le ratio de 6 pour 1 (23,3 km2 détruits, 3,8 km2 créés ou restaurés) va aussi à l’encontre du principe « éviter, minimiser et compenser » préconisé par le ministère, qui privilégie clairement le troisième aspect au détriment des deux premiers.
Quelques semaines auparavant, plusieurs médias ont aussi rapporté un excédent accumulé de 1,7 G$ dans le Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC), « un montant supérieur à l’ensemble des dépenses faites par le FECC pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou s’adapter aux changements climatiques pour l’année 2023-2024 (1,6 G$) ». Ces sommes « dormantes », en pleine urgence climatique, ne font aucun sens selon plusieurs experts, environnementalistes et partis d’opposition.
Ces deux exemples tendent à démontrer que les Québécoises et Québécois, en ce qui a trait au retour sur investissement, n’en ont peut-être pas toujours pour leur argent en matière environnementale. Ce déséquilibre est d’ailleurs bien présent en agriculture.
À témoin, la contribution directe des entreprises agricoles québécoises au FECC (débours liés à la tarification carbone, en l’occurrence pour le propane et les autres carburants) représente plus de 400 M$ depuis 2015, dont environ 80 M$ en 2023. Cette contribution, alors que la très grande majorité des agriculteurs des autres provinces sont remboursés en tout ou en partie, nuit à la compétitivité de nos entreprises (qui n’ont pas d’autres options viables) sans pour autant servir au financement d’initiatives dans le milieu.
L’imposition d’écofrais de toutes sortes depuis l’automne dernier est aussi une ponction importante dans le secteur agricole québécois, à qui l’on demande de débourser encore une fois des montants significatifs, sans retour sur investissement (près de 3 M$ par année pour les films, toiles, tubes et sacs d’enrobage et d’ensilage).
Lors de la récente étude des crédits budgétaires du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, le ministre André Lamontagne a beaucoup insisté sur les 119 M$ dévolus à la rétribution des pratiques environnementales 2022-2027 depuis son entrée en vigueur (23,8 M$ par année en moyenne). Il s’agit en effet d’une initiative tout à fait méritoire (malgré son adaptation requise pour les régions périphériques), d’autant plus qu’elle est directement inspirée du Plan vert agricole proposé par l’UPA en 2018.
Il reste qu’aux États-Unis, l’aide directe aux initiatives agroenvironnementales (Conservation Programs) représente environ 0,8 % des recettes monétaires agricoles, c’est-à-dire l’équivalent d’environ 100 M$ par année au Québec. On est donc loin du compte.
De plus en plus de productrices et producteurs constatent un déséquilibre croissant entre le soutien agroenvironnemental et les nombreuses ponctions dans leur portefeuille. Cet irritant revient fréquemment dans les propos des participants aux rassemblements régionaux. Une pression climatique et financière « qui se fait sentir sur nos épaules et dans nos poches », ai-je entendu récemment. C’est tout à fait cela.