Comme je l’ai indiqué la semaine dernière, notre Congrès général annuel (3 et 4 décembre à Québec) est une occasion de faire le point sur la dernière année et d’entrevoir ce que la prochaine nous réserve.
La mobilisation des productrices et producteurs est très certainement ce qui a le plus retenu l’attention en 2024. À ce chapitre, plusieurs ont été surpris par l’ampleur du ras-le-bol exprimé lors des 17 rassemblements régionaux du printemps dernier. Ces sentiments n’étaient pourtant pas spontanés. Ils étaient, bien au contraire, le résultat d’une longue et vaste accumulation d’attentes non comblées.
Après trois ans de plaidoyers, de rencontres, de cris du cœur et de sondages sur une variété d’enjeux économiques, territoriaux, administratifs, réglementaires, climatiques et environnementaux, on peut très bien comprendre la colère des productrices, des producteurs et de la relève. Cette tendance gouvernementale à sous-estimer les besoins et à banaliser les demandes du milieu doit changer.
D’autant plus que l’aide annoncée jusqu’à maintenant marque une ouverture positive, mais n’assure pas la pérennité à moyen et long terme des entreprises. À témoin, le revenu net agricole au Québec est 92 % moins élevé qu’il y a dix ans, malgré une augmentation des recettes de 59 %. Or, répéter à tout vent que nous disposons des « meilleurs programmes au Canada », comme le préconisent certaines instances gouvernementales et ministérielles, n’aide en rien la pérennité des entreprises, leur compétitivité face à la concurrence étrangère et leur capacité de réussir sur tous les marchés.
Du côté québécois, les solutions sont pourtant bien identifiées, à commencer par : un rehaussement considérable des budgets, du soutien, de l’accompagnement, des mesures et des programmes destinés aux productrices et producteurs (incluant en recherche et développement); une actualisation importante des programmes d’aide à la relève et des règles fiscales (transferts intergénérationnels) et un vaste chantier sur l’ensemble des programmes de gestion des risques de l’entreprise.
Parmi les autres solutions, mentionnons : une attention particulière aux défis et besoins particuliers des régions périphériques (MRC prioritaires) et des divers secteurs de production (incluant les produits forestiers non ligneux et l’acériculture en forêt publique); une réglementation environnementale raisonnée qui favorise un environnement d’affaires compétitif; une réduction substantielle du fardeau réglementaire et administratif; une protection accrue du territoire et des activités agricoles et une vision de développement du secteur agroalimentaire résolument orientée vers ses besoins, ses attentes et ses possibilités actuelles et futures.
Le gouvernement canadien doit lui aussi être plus proactif. Les productrices et producteurs canadiens sont trois fois moins soutenus que les producteurs américains en matière de lutte contre les changements climatiques. L’arrivée imminente de M. Trump à la Maison-Blanche laisse quant à elle présager des années houleuses au regard de nos exportations agroalimentaires (tarifs) et de nos marchés nationaux (gestion de l’offre). Nos producteurs forestiers, de leur côté, font depuis trop longtemps les frais d’un conflit sur le bois d’œuvre qui n’a rien à voir avec eux.
Tous ces enjeux touchent les producteurs, mais aussi les consommateurs. Ces derniers continuent de pouvoir compter sur un secteur agroalimentaire très performant, même en tenant compte de l’inflation. À témoin, la part des dépenses alimentaires dans le revenu disponible des ménages québécois était de 10,4 % en 2023, c’est-à-dire la même chose qu’en 2019 (avant la pandémie). On constate même une tendance à la baisse au fil des ans (2010 : 10,9 %). Cette réalité gagnerait à être connue davantage. Elle doit aussi être consolidée par des investissements significatifs et à la hauteur du potentiel de croissance de chaque secteur de production.
Réunis au sein de leur Union depuis 100 ans cette année, les productrices et producteurs agricoles et forestiers du Québec sont au cœur du tissu rural de la province et façonnent depuis toujours le visage des régions sur les plans géographique, économique et communautaire. C’est avec grande fierté que nous avons multiplié les initiatives, en cours d’année, pour faire connaître leur volonté inébranlable de nourrir et d’en vivre. À tous et toutes, bon Congrès général!