En décembre dernier et à la demande du gouvernement, Hydro-Québec (HQ) a annoncé le développement de plus de 4 000 mégawatts (MW) d’énergie éolienne d’ici 2030, ce qui doublera la puissance installée dans la province. Tout récemment, le ministre Pierre Fitzgibbon a laissé entendre que cette puissance pourrait même atteindre 16 000 MW d’ici 2040.
Dans l’état actuel des choses, ce nouvel engouement du gouvernement québécois pour la filière éolienne et l’empressement qu’il démontre pour son déploiement dans des zones dites « favorables » entrent en conflit avec ses ambitions alimentaires. Comme l’Union l’a rappelé lors d’une récente consultation sur un premier appel d’offres de 1 500 MW, plusieurs parcs éoliens découlant de la première vague d’appels d’offres (2003 à 2009) se sont réalisés, en tout ou en partie, sur des terres agricoles et des boisés privés. Et comme peuvent déjà en témoigner plusieurs productrices et producteurs approchés par des promoteurs ces derniers mois, plus particulièrement dans la région du Centre-du-Québec, ce sera manifestement le cas encore une fois.
Il tombe sous le sens que l’installation de centaines d’éoliennes dans des zones à forte teneur agricole limitera considérablement les superficies cultivables. Or, la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire (PNAAT), dévoilée il y a neuf mois à peine, indique clairement que l’implantation d’usages non agricoles en zone verte nuit au maintien et au développement de l’agriculture, provoque des conflits d’usages et contribue à l’éparpillement de notre empreinte collective sur le territoire.
Rappelons que la zone agricole est constamment grugée par l’étalement urbain, les projets d’infrastructures de toutes sortes et les initiatives de conservation. Dans un souci de cohérence avec ses propres politiques, y compris les critères d’exemplarité détaillés dans la PNAAT et les centaines de millions de dollars investis ces dernières années pour augmenter notre autonomie alimentaire, il est essentiel que le gouvernement mette tout en œuvre pour protéger les activités agricoles et forestières.
Dans ce cadre, HQ doit s’assurer que les promoteurs respectent le Cadre de référence UPA-HQ relatif à l’aménagement de parcs éoliens en milieux agricole et forestier, qui encadre notamment la localisation des ouvrages, la compensation des propriétaires et l’atténuation des incidences liées aux travaux de construction, d’entretien et de démantèlement. Le respect des décisions récentes de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) quant au démantèlement des parcs éoliens à la fin de leur vie utile, c’est-à-dire l’arasement des socles de béton à deux mètres sous le sol, doit aussi être exigé. Les productrices et producteurs visés par des expropriations, pour relier chaque projet au réseau électrique d’HQ, devront de leur côté être considérés comme des parties prenantes pleines et entières et compensés de façon adéquate et récurrente (ce qui n’est pas le cas actuellement).
Chaque implantation devra aussi respecter le principe de « zéro perte nette », c’est-à-dire le maintien des superficies agricoles et forestières productives de même qualité. Par ailleurs, le gouvernement du Québec ne peut pas avoir recours à des décrets pour contourner les décisions de la CPTAQ, en aucune circonstance. De tels recours renient la mission fondamentale et l’expertise unique de la Commission, tout en générant systématiquement du mécontentement.
Le virage éolien préconisé par le gouvernement n’a fait l’objet d’aucune consultation. Pour valider l’adhésion des communautés qui accueilleront ces infrastructures dans leur milieu, il est donc essentiel de prévoir un processus de consultation publique pour chacun des projets. Dans une perspective de transition énergétique et de carboneutralité, l’éolien peut effectivement représenter une avenue intéressante. Mais le développement accéléré de cette énergie verte ne doit pas se faire au détriment de notre autonomie alimentaire. Les garde-fous appropriés doivent donc être rapidement mis en place pour éviter une attaque en règle à l’endroit de notre garde-manger.