L’Union des producteurs agricoles (UPA), la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ) Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre, la Coalition pour la souveraineté alimentaire Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre ainsi que d’autres organisations ayant à cœur la pérennité du modèle agricole québécois demandent aux membres de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles (CAPERN) d’agir promptement face au phénomène d’accaparement et de financiarisation des terres.
Rappelons que trois ans après la publication d’une première étude de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) sur le phénomène d’accaparement, la CAPERN se penche sur le sujet cette semaine. Ce mandat d’initiative arrive à point nommé, les agriculteurs devant de plus en plus compétitionner pour l’achat des terres agricoles avec une multitude d’acquéreurs (fonds d’investissement, promoteurs immobiliers, infrastructures gentlemen « non farmers », etc.) qui ne proviennent pas du milieu agricole. Alors que le nombre de transactions (+67 %) et la valeur globale de ces dernières (+84 %) s’est accru considérablement au cours des cinq dernières années, ces nouveaux joueurs ont d’autres buts et motivations, spéculatifs ou autres, que le développement de l’agriculture au Québec.
Pour les intervenants, on ne peut attendre pour agir, car la ressource terre est limitée. Ce n’est pas une marchandise que l'on peut « produire » toujours en plus grande quantité. C’est un bien rare et essentiel à la vie, à la base de la sécurité alimentaire. Les terres arables doivent être protégées pour les générations actuelles et futures. La gestion de cette ressource dépasse l’horizon de temps d’une seule génération, et on ne peut laisser une telle responsabilité sociale entre les mains d’intérêts privés, celles d’une poignée d’individus.
Actuellement, des dizaines de milliers d'hectares sont la propriété de sociétés et de fonds d’investissement comme Pangea, Investerre Inc., Partenaires agricoles S.E.C., Agriterra et Solifor.
Depuis 2009-2010, les 15 sociétés les plus actives auraient acquis plus de 27 000 hectares, soit un investissement de 121,7 M$. À elle seule, la société PANGEA a déboursé 26,3 M$ pour acquérir 4 131 hectares pendant cette période, soit l’équivalent de 40 familles agricoles. Il ne faudrait donc que 700 investisseurs comme PANGEA possédant chacun 4 000 hectares pour remplacer les 28 000 fermes du Québec. Ce type de transaction prend encore plus d’importance quand elle est transposée à l’échelle régionale. Au Lac-Saint-Jean, avec des achats de 2 209 hectares en 2013-2014, PANGEA a occupé cette année-là plus de 50 % du marché régional des transactions. Cette position dominante lui donne la possibilité de dicter les conditions du marché dans cette région, tout comme elle s’apprête à le faire très prochainement dans le Kamouraska.
Un grand nombre d’intervenants ont insisté sur les conséquences désastreuses du phénomène pour les agriculteurs et leur relève. Tout d’abord, le modèle d’affaires proposé par ces sociétés est une coquille vide pour la relève entrepreneuriale. Les jeunes n’ont pas accès aux actifs, incluant l’augmentation de leur valeur dans le temps, et partagent tous les risques d'opération. Ensuite, la valeur marchande des terres agricoles (+600 % au cours des 23 dernières années) augmente désormais à un rythme qui dépasse de beaucoup leur productivité économique. Cette situation rend très difficile l’accès aux actifs pour les agriculteurs et la relève, car le prix d’acquisition d’une entreprise, incluant l’emprunt et les intérêts, est dorénavant supérieur à sa capacité de générer des revenus pour la rentabiliser.
Il est clair que sans intervention de l’État, l’accaparement des terres agricoles mène de façon irréversible à l’abandon de plusieurs projets d’établissement de la relève et de consolidation, car il leur est impossible de concurrencer des sociétés d’investissement. Cela veut dire le passage d’une agriculture d’entrepreneurs à une agriculture de salariés, la marginalisation des fermes de petite et moyenne taille, l’hyperspécialisation des productions, une diminution importante du nombre de fermes ainsi qu’une dévitalisation des territoires ruraux.
Pour toutes ces raisons, il est urgent que la CAPERN propose des mesures à très court terme permettant de freiner l’appétit des investisseurs non producteurs, de dresser un portrait détaillé de la situation et d’instaurer un mécanisme de suivi des transactions. La proposition de l’UPA, c’est-à-dire limiter à 100 hectares, pour une période de trois ans, la superficie que toute personne ou entité peut acquérir en une année à des fins autres que le transfert intergénérationnel, s’avère particulièrement intéressante. Elle permettrait en effet de faire une véritable analyse du phénomène et d'arriver avec des solutions globales à l'accaparement et à l'accès à la profession pour la relève entrepreneuriale. Il en va de l’avenir du modèle agricole québécois, de sa relève et de l’intérêt général de tous les Québécois.
Cosignataires:
Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ) Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre
Association des détaillants en alimentation du Québec Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre
Conseil régional environnement Montréal Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre
Fondation David Suzuki Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre
Mouvement Ceinture Verte Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre
Nature Québec Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre
Vivre en ville Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre
Coalition pour la souveraineté alimentaire Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre
Patrice Juneau, conseiller aux affaires publiques
Union des producteurs agricoles
450 679-0540, poste 8591, ou 514 702-8591