Il y a quelques mois, le Tribunal administratif du Québec (Tribunal) a rendu une décision en matière de fiscalité municipale relativement à l’évaluation de la valeur foncière des érablières à l’égard desquelles un contingent de production de sirop d’érable a été émis par les Producteurs et productrices acéricoles du Québec1. Cette décision a retenu notre intérêt puisqu’elle a mené le Tribunal à décider, pour la première fois, si un contingent émis en application du Règlement sur le contingentement des producteurs et productrices acéricoles (Règlement sur le contingentement) a une incidence sur l’évaluation foncière d’une érablière.
Cette décision du Tribunal résulte d’une contestation logée par la requérante, une productrice acéricole, contre sa municipalité relativement à la valeur foncière inscrite au rôle d’évaluation municipal pour l’érablière dont elle est propriétaire. En effet, l’évaluation du terrain de l’érablière, réalisée par la municipalité, inclut une valeur associée au contingent de production de sirop d’érable, ce qui est contesté par la requérante. Celle-ci considère injuste qu’une valeur soit associée au contingent de production de sirop d’érable alors que les contingents ne seraient pas considérés dans l’évaluation des installations de certains autres producteurs, par exemple les producteurs laitiers. Selon la requérante, l’enjeu est de taille : la considération du contingent aux fins de l’évaluation aurait une incidence de plus de 300 000 $ sur la valeur foncière de l’érablière.
Dans son analyse, le Tribunal rappelle qu’il doit déterminer la valeur réelle de l’érablière en cause et que pour y parvenir, la Loi sur la fiscalité municipale (LFM) prévoit qu’il faut « notamment tenir compte de l’incidence que peut avoir sur son prix de vente le plus probable la considération des avantages ou désavantages qu’elle peut apporter, en les considérant de façon objective »2. Ce faisant, les droits et avantages qui se rattachent directement à un immeuble, en ce qu’ils le caractérisent, peu importe qui en est le propriétaire, peuvent exercer une influence sur sa valeur réelle.
Poursuivant son analyse, le Tribunal constate que le contingent de production de sirop d’érable émis à l’égard d’une érablière en application du Règlement sur le contingentement est indissociable de l’érablière et qu’il ne peut être vendu séparément de celle-ci; en d’autres mots, le contingent est ultimement lié à l’érablière et non pas au producteur qui l’exploite. Il en résulte, selon le Tribunal, que le contingent de production de sirop d’érable est un droit immeuble qui doit être porté au rôle d’évaluation lorsqu’il confère une plus-value à l’érablière.
Or, le Tribunal conclut à l’existence d’une plus-value sur le marché pour une érablière qui est associée à un contingent. En effet, le Tribunal constate que parmi les transactions d’érablières relevées par l’évaluateur municipal à titre de ventes comparables, celles associées à un contingent ont commandé un prix nettement supérieur. Le Tribunal conclut donc que la municipalité était justifiée d’associer une valeur au contingent de production de sirop d’érable pour l’évaluation de la valeur foncière de l’érablière de la requérante.
Il sera intéressant de voir quelle incidence cette décision aura sur les prochaines décisions du Tribunal concernant l’évaluation des érablières.
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1 Pauline Couture Boucher c. Municipalité D’Audet, 2022 QCTAQ 07100.
2 Paragraphe 12 de la décision du Tribunal, en référence à l’article 45 LFM.