À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation, célébrée le 16 octobre dernier, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), António Guterres, a déploré que cette journée thématique coïncidait, en 2023, « avec une crise alimentaire mondiale qui voit le monde régresser dans ses efforts pour éliminer la faim et la malnutrition ».
Ce dernier a rappelé que les fonds récoltés dans le cadre de l’appel humanitaire mondial lancé cette année n’atteignent que 32 % de l’objectif fixé, même si quelque780 millions de personnes sur la planète ne mangent pas à leur faim. « Dans notre monde d’abondance, il est scandaleux qu’une personne meure de faim chaque seconde ou presque, tandis que le Programme alimentaire mondial est contraint de réduire l’ampleur de ses programmes d’aide essentiels », a-t-il continué.
En lien avec cette crise alimentaire, les enjeux liés à l’eau étaient au cœur des informations diffusées dans le cadre de la Journée. L’ONU a rappelé que 71 % de la surface terrestre est couverte d’eau, mais que seulement 2,5 % étaient de l’eau douce, potable et propice aux pratiques agricoles. Elle ajoutait que les ressources en eau douce ont diminué de 20 % au cours des dernières décennies, en raison de la croissance démographique, de l’urbanisation, du développement économique et des changements climatiques.
Toutes ces statistiques font réfléchir. Au Québec comme ailleurs au Canada, l’abondance d’aliments et d’eau douce tend à évacuer les préoccupations à cet égard. Le Canada possède environ 20 % des réserves mondiales d’eau douce. De ce nombre, 3 % se trouvent au Québec. « Il est donc facile de croire que la ressource est inépuisable », rappelait récemment un chercheur de l’Institut national de la recherche scientifique.
C’est toutefois loin d’être le cas en raison, notamment, des chaleurs extrêmes de plus en plus fréquentes et des précipitations moins élevées, comme en témoignent l’assèchement de certaines rivières, le manque d’eau dans un nombre grandissant de puits, le recours croissant à l’eau souterraine et les épisodes récurrents de sécheresse dans certains coins de pays. L’approvisionnement en eau, essentiel aux activités agricoles, n’est plus garanti.
L’alimentation de nos concitoyennes et concitoyens, et par conséquent l’agriculture, est une priorité nationale, au même titre que les autres missions de l’État. Les échanges du ministre François-Philippe Champagne avec les grands épiciers et transformateurs canadiens vont en ce sens. Stabiliser les prix des aliments, sans répercussions négatives sur les petits fournisseurs et les productrices et producteurs, est un objectif auquel nous adhérons pleinement, comme nous avons eu l’occasion de le lui réitérer ces derniers jours.
Plusieurs intervenants considèrent encore que le secteur privé peut remédier à tous les maux en matière d’alimentation, sans soutien vigoureux des gouvernements. Les statistiques diffusées dans le cadre de la Journée mondiale de l’alimentation démontrent tout le contraire. Les milliers de citoyennes et citoyens qui fréquentent chaque mois les banques alimentaires québécoises et canadiennes, en raison de l’inflation alimentaire, illustrent aussi cette réalité. Il est impératif de mettre fin au désengagement des États et d’appuyer davantage le secteur agricole, ici comme ailleurs.
À cet égard, rappelons que le budget d’Agriculture et Agroalimentaire Canada est passé de 2,2 G$ en 2013-2014 à 1,8 G$ en 2023-2024 (-18 % en dix ans), même si les recettes monétaires agricoles canadiennes ont augmenté de 75 %. Du côté québécois, le budget du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation est passé de 1,1 G$ à 1,2 G$ pendant la même période (+9 %), loin derrière l’augmentation des recettes monétaires agricoles québécoise ces dix dernières années (+51 %). Dans les circonstances, peut-on vraiment s’étonner de l’endettement croissant des productrices et producteurs, qui continuent de faire les frais de ce désengagement?
Comme le mentionnait M. Guterres, il est impératif d’investir dans des solutions « qui permettent à chacun et chacune de manger à sa faim ». Un soutien plus robuste au secteur agricole, incluant l’adaptation aux changements climatiques, fait sans contredit partie de la recette.