La ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada, Marie-Claude Bibeau, a annoncé récemment trois nouvelles mesures visant à « appuyer l’innovation en sélection végétale tout en préservant l’intégrité du secteur biologique », soit l’élargissement de la base de données de Semences Canada sur la transparence liée aux variétés canadiennes pour permettre d’identifier toutes les variétés issues de l’édition génomique offertes sur le marché, la création d’un comité directeur gouvernement-industrie pour établir des objectifs en matière de transparence et des ressources pour effectuer des audits afin d’évaluer la validité des données.
La ministre Bibeau a aussi annoncé que le gouvernement canadien financera la mise à jour quinquennale de la Norme biologique canadienne, prévue pour 2025, dans la même mesure que pour le cycle précédent. Ce financement sera bien accueilli, car les attentes du milieu allaient en ce sens. Les mesures quant aux produits issus de l’édition génomique ne sont toutefois pas complètement en phase avec les préoccupations exprimées, les fabricants de semences n’ayant pas l’obligation de fournir les données souhaitées.
En juin dernier, l’Union, le Conseil de la transformation alimentaire du Québec, la Filière biologique du Québec et le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants ont pourtant indiqué conjointement et sans équivoque que l’approche volontaire soulevait plusieurs enjeux au sein de l’industrie bioalimentaire, plus spécifiquement au regard de la traçabilité. Les quatre organisations réclamaient conséquemment des mesures permettant de préserver le droit des producteurs de savoir ce qu’ils mettent en terre, celui des transformateurs d’utiliser les ingrédients de leur choix en fonction des marchés visés et, enfin, celui du secteur biologique de respecter tant les normes biologiques canadiennes en vigueur que les promesses du bio faites aux consommateurs.
Rappelons à cet égard que les normes biologiques canadiennes interdisent l’usage des semences et produits issus de l’édition génomique et que les entreprises détenant une certification biologique ont l’obligation de prouver la non-utilisation de semences, plantes ou ingrédients issus du génie génétique. La transparence est donc une condition essentielle pour assurer l’intégrité des produits biologiques au pays et nous avons toujours défendu ce point de vue tout au long du processus en amont des choix annoncés, y compris pendant les travaux du comité technique qui a formulé des recommandations au gouvernement.
La pérennisation de ce comité est une bonne nouvelle en soi. Ce dernier pourra, en plus d’établir des objectifs en matière de transparence, faire le suivi des audits pour garantir la fiabilité de la future base de données. La participation volontaire des fabricants de semences et des développeurs de nouvelles technologies de sélection végétale à ce registre nécessitera toutefois une grande vigilance. Cette responsabilité sera prise très au sérieux par les producteurs et les transformateurs du secteur biologique, qui ont tout avantage à favoriser une transparence optimale.
L’idée n’est pas de dénoncer la fabrication et le recours aux produits issus de l’édition génomique. Bien au contraire, cette technologie est essentielle à la compétitivité de plusieurs secteurs agroalimentaires, sur tous les marchés. Plusieurs diraient même qu’elle est incontournable pour continuer de nourrir la planète de façon durable. Mais tous comprendront que l’avenir du secteur biologique repose en grande partie sur sa crédibilité, surtout au regard de la traçabilité. Des solutions porteuses devront être trouvées rapidement pour protéger ce secteur en plein essor et assurer une participation optimale à la nouvelle base de données. C’est la confiance des consommateurs d’ici et d’ailleurs qui est en jeu.