D’une superficie de 6,8 millions d’hectares, la forêt privée productive est le pilier d’une économie locale importante qui sert d’assise au développement de nos régions. À témoin, les quelque 30 000 productrices et producteurs forestiers du Québec récoltent de la matière ligneuse pour une valeur annuelle de plus de 533 M$, générant plus de 24 000 emplois ainsi qu’un chiffre d’affaires de 4,7 G$ par la transformation de leur bois (21 % de l’approvisionnement des usines; un pourcentage plus élevé que dix ans auparavant, mais qui masque plusieurs disparités régionales).
Cette contribution exceptionnelle à la vitalité de nos villages et de nos collectivités est toutefois doublement mise à mal, les productrices et producteurs étant confrontés, depuis plusieurs années, à une concurrence déloyale de la forêt publique ainsi qu’à un conflit du bois d’œuvre qui les affecte de façon illégitime.
En effet, plusieurs usines suspendent actuellement leurs activités en raison d’un contexte commercial moins favorable, ce qui entraîne une baisse de la demande. Parallèlement, le gouvernement québécois continue d’attribuer des volumes importants en forêt publique, d’exiger des redevances beaucoup trop basses et d’appuyer financièrement la récolte de ce bois. En conséquence, le marché est saturé, les prix s’effondrent, les usines encore en activité privilégient le bois public (à moindre coût) et nos producteurs perdent des livraisons et des revenus importants.
En plus de cette concurrence déloyale, les producteurs forestiers font les frais d’un conflit sur le bois d’œuvre qui n’a rien à voir avec eux. Aux yeux des États-Unis, c’est la gestion des forêts publiques canadiennes qui est problématique. La situation de nos producteurs s’apparente tout à fait à celle des propriétaires forestiers américains. Le bois d’œuvre produit avec leur bois rond devrait donc être exempté des taxes et quotas lorsqu’il est expédié aux États-Unis, car ces frais nuisent injustement à leur rentabilité ainsi qu’à leur compétitivité.
Comme je l’ai souligné à l’occasion d’une activité de presse le 7 novembre dernier en compagnie de la Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ), ce double préjudice milite en faveur non seulement d’actions immédiates, mais aussi de compensations à la hauteur des pertes encourues ces dernières années.
En plus de ces compensations, nous avons demandé à la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, de mieux protéger les marchés des producteurs forestiers en renforçant le principe de résidualité. Rappelons que ce principe enchâssé dans la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier confère un caractère résiduel au bois de la forêt publique par rapport aux autres sources d’approvisionnement. En clair, avant d’obtenir des volumes de bois en forêt publique, les industriels doivent d’abord s’approvisionner en forêt privée.
La ministre doit profiter de la refonte à venir du régime forestier pour mettre à jour le principe de la résidualité et se doter d’outils pour ajuster les volumes récoltés en forêt publique. Elle doit aussi donner suite aux préoccupations légitimes des Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ), qui rappelaient tout récemment qu’après « plus de quatre ans de négociation, les demandes raisonnables de la filière acéricole pour poursuivre son développement en forêt publique sont toujours ignorées ».
Les PPAQ demandent depuis des années de mieux protéger les érables sur les terres du domaine de l’État, et toujours rien n’est réglé pour l’acériculture en forêt publique. Malgré le dépôt du Plan directeur ministériel pour le développement acéricole en forêt publique en avril 2023, le ministère refuse d’octroyer les superficies minimales pour assurer l’avenir de la production de sirop d’érable et autorise des coupes inacceptables dans les peuplements d’érables en forêt publique.
Les demandes de la FPFQ et des PPAQ témoignent d’une gestion à courte vue de la forêt publique qu’il importe de corriger rapidement. Qu’il s’agisse de foresterie privée ou d’acériculture, les productrices et les producteurs veulent de l’action!