J’ai eu l’occasion de participer, le 17 mai dernier, en compagnie des deux autres dirigeants de l’organisation (Paul Doyon, premier vice-président, et Stéphanie Levasseur, deuxième vice-présidente) et du président de la Fédération de la relève agricole du Québec, David Beauvais, à la journée d’échanges sur l’avenir du territoire et des activités agricoles au Québec.
L’objectif de cette journée était de permettre aux intervenants ayant pris part à la consultation nationale, issus notamment des secteurs agricole, municipal et environnemental, de s’exprimer et de convenir des orientations que le gouvernement devrait privilégier, à l’issue des trois volets thématiques de cet exercice consultatif.
Les participants à cette journée, décrite comme « un moment charnière pour l’avenir » par le ministre André Lamontagne, ont trouvé consensus sur un certain nombre de grands principes, incluant l’importance d’une meilleure exemplarité de l’État dans tous ses projets d’aménagement. Ils ont aussi retenu quatre orientations pour les prochaines étapes, c’est-à-dire : accroître le potentiel agricole du Québec, agir sur l’efficacité du régime de protection du territoire agricole, favoriser le dynamisme des activités agricoles et leur pérennité et favoriser l’accessibilité aux terres agricoles.
Les participants ont aussi convenu, de façon prioritaire, de la nécessité « d’accroître la qualité et la disponibilité des données sur la zone agricole », une position que nous défendons depuis très longtemps, notamment au regard de la propriété des terres et des transactions foncières. La consultation a en effet démontré que les superficies détenues par des propriétaires « présumément » locateurs ont presque doublé. Faute d’information suffisante, il est très probable qu’il s’agisse en partie de propriétaires « producteurs » au sens de la loi, mais dont l’activité principale est non agricole et strictement spéculative. La consultation a aussi permis de constater une concentration croissante des terres entre les mains d’un nombre de plus en plus restreint de propriétaires. Il faut donc indéniablement en savoir plus.
Le ministère prévoit élaborer, au cours des prochains mois et avec les principaux partenaires de la consultation, un plan de mise en œuvre présentant des mesures et des actions concrètes, en lien avec les orientations retenues. La vraie game commence, comme on dit.
Nous avons prévenu que l’organisation, tout au long de cette démarche de « cocréation », ne soutiendrait que des mesures qui tendent vers la défense intégrale de notre garde-manger, le renforcement de l’ensemble des mécanismes nécessaires à sa protection ainsi qu’un relâchement significatif de la pression exercée depuis toujours sur la zone verte. Ces trois conditions tombent sous le sens si l’on souhaite préserver l’avenir alimentaire des Québécoises et des Québécois.
Plus concrètement, nous avons proposé le dépôt d’un projet de loi spécifique au suivi et à l’encadrement de la propriété des terres agricoles, afin d’aborder de front cet enjeu déterminant pour les productrices, les producteurs et la relève. Un tel projet de loi élargirait de beaucoup l’action de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) tout en renforçant le rôle de la Commission de protection du territoire agricole du Québec. Il offrirait aussi à la collectivité québécoise une nouvelle pièce législative digne des plus grandes avancées en matière d’agriculture, de protection de la zone verte et de pérennité alimentaire.
Ce projet de loi pourrait être accompagné de changements, limités mais importants, à la LPTAA, comme la mise en place d’un mécanisme d’échange par inclusion-exclusion (zéro perte nette), l’interdiction des projets de production et de transport d’énergie en zone agricole dynamique (y compris les éoliennes) ainsi que la préséance de la LPTAA sur toutes les autres lois visant le territoire. La mise en place d’une stratégie de mesures administratives et financières, au regard des enjeux d’intérêt, mais ne nécessitant pas d’interventions législatives, pourrait compléter ce projet de loi.
Dès l’annonce d’une consultation nationale, en juin 2023, nous avons indiqué que l’exercice proposé par le gouvernement du Québec devait être vu comme une occasion historique d’élever la protection de notre garde-manger au rang de véritable priorité nationale. Pour des raisons alimentaires, économiques et territoriales, cet aspect est essentiel au projet de société que nous souhaitons faire avancer. Les propos du ministre Lamontagne, l’an dernier et lors de la journée d’échanges, allaient dans le même sens. Le processus de cocréation annoncé devra lui aussi respecter fidèlement cette intention.