L’Union a participé récemment au troisième et dernier volet de la consultation nationale sur le territoire et les activités agricoles, entièrement consacré à la propriété foncière agricole et l’accès aux terres.
Comme le mentionne le document de consultation, il est vrai que la proportion des terres détenues par les « producteurs » (propriétaires, locataires, locateurs et apparentés) est relativement stable (88 % en 2007; 89 % en 2023). Les superficies détenues par les exploitations agricoles exclusivement propriétaires sont toutefois à la baisse (38 % en 2007; 31 % en 2023), alors que celles possédées par des propriétaires « locateurs » ont presque doublé (8 % en 2007; 15 % en 2023).
Faute d’information suffisante sur cette catégorie d’entreprise, il est très probable qu’elle soit en partie constituée de propriétaires « producteurs » au sens de la loi, mais dont l’activité principale est non agricole et strictement spéculative. Seule la création d’un registre détaillé sur la propriété du foncier agricole, incluant un mécanisme de suivi des transactions, permettrait de porter un jugement éclairé sur cette tendance.
Les données sur la propriété des terres sont quant à elles sans équivoque. Les superficies détenues par les 350 plus grands propriétaires sont passées de 269 022 hectares (ha) en 2007 à 404 836 ha en 2023 (+50 %). La superficie minimale détenue par ces mêmes 350 propriétaires est passée de 512 ha à 693 ha (+35 %) pendant cette période. Pour les 20 plus grands, celle-ci est passée de 1 299 ha à 2 637 ha (+103 %). Autrement dit, plus on possède des terres, plus on en achète d’autres.
Cette concentration croissante entre les mains d’un nombre restreint de propriétaires est une tendance préoccupante. Elle ouvre notamment la porte : à l’abandon de nombreux projets de relève et de démarrage d’entreprises agricoles; à la marginalisation des exploitations de petite et moyenne taille; à la transition d’une agriculture dirigée par des entrepreneurs vers une agriculture où les salariés prédominent; à une diminution importante du nombre de fermes; à une dévitalisation des régions rurales; à une perte de contrôle sur de vastes superficies agricoles au profit d’investisseurs non agricoles.
Rappelons par ailleurs qu’une proportion significative des terres appartient à des exploitations agricoles qui s’apprêtent à transférer cet actif au plus offrant, en raison du vieillissement de la population agricole et faute de relève. Il est donc impératif de contrer cette concentration en limitant la superficie que toute personne ou entité peut acquérir à des fins agricoles autres que le transfert intergénérationnel. Quelque 70 % des terres agricoles sur la planète appartiennent à seulement 1 % des propriétaires. Ce n’est pas le cas au Québec, mais il faut éviter à tout prix de tendre vers cette réalité.
Nous avons aussi abordé les difficultés grandissantes de la relève agricole et des entreprises en démarrage, compte tenu, notamment, de l’augmentation fulgurante de la valeur des terres (+300 % entre 2010 et 2022, selon Financement agricole Canada). Parmi nos recommandations, mentionnons l’adoption de règles fiscales encourageant la vente à des entreprises de la relève agricole et décourageant la vente à d’autres catégories d’acheteurs, la mise en place d’un réel outil de capital patient pour la relève (apparentée ou non), des prêts à très long terme avec un taux fixe et bas ainsi que l’actualisation des montants d’aide offerts dans le Programme d’appui financier à la relève agricole.
Nous avons aussi recommandé d’encadrer davantage les modalités de location des terres pour assurer qu’elles seront cultivées, de mettre en place des mesures facilitant leur accès (par le biais, notamment, de la Fiducie agricole UPA-Fondaction et du Fonds d’investissement pour la relève agricole), d’instaurer des mesures fortes pour contrer l’enfrichement et de mettre en place une veille sur le foncier agricole.
L’accès aux terres agricoles, plus spécifiquement pour la relève et les entreprises en démarrage, est un défi majeur pour l’agriculture québécoise. C’est pourquoi l’Union a mis en place un comité de travail entièrement consacré à cet enjeu. C’est aussi pourquoi le rapport synthèse à venir, au terme des trois consultations thématiques, devra être attentif aux préoccupations des productrices, des producteurs et de leur relève. C’est l’avenir alimentaire et territorial des Québécoises et des Québécois d’aujourd’hui et de demain qui est en jeu.