La valeur des terres agricoles est en hausse depuis 36 ans au Québec. Elle a plus que triplé ces dix dernières années, en raison notamment de l’étalement urbain, de la spéculation, de la multiplication des transactions et de la présence croissante d’intervenants non agricoles en zone verte (investissement, immobilier, etc.). Ce faisant, les terres agricoles sont de plus en plus difficiles d’accès, plus particulièrement pour la relève, qu’elle soit apparentée ou non.
Lors d’un récent sondage de la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ), environ 87 % des répondants ont identifié cette hausse comme un frein majeur au transfert et au démarrage d’entreprises agricoles. Comme l’explique la FRAQ dans sa plateforme de revendications en marge des élections générales québécoises (Plan relève 2022), « devant la férocité des prix du marché foncier en constante augmentation et dans un contexte compétitif d’achat de terres agricoles, la relève rencontre de nombreuses difficultés d’accès au territoire agricole. […] L’accès aux terres est toutefois central à la perpétuité des activités agricoles sur notre territoire. La transmission d’entreprises agricoles et l’établissement de la relève sont donc des enjeux préoccupants ».
Rentabiliser une acquisition, pour ces jeunes, est en effet devenu un défi de plus en plus insurmontable. D’autant plus que les entreprises de la relève ou en démarrage, en raison notamment de leur endettement plus élevé, sont particulièrement affectées par le contexte économique défavorable, la hausse des taux d’intérêt et l’augmentation des coûts de production.
La nouvelle Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire, déposée en juin dernier, contribuera à protéger davantage notre garde-manger et à freiner cet élan inflationniste. L’augmentation passée de la valeur des terres est toutefois là pour de bon. L’acquisition d’actifs, dans plusieurs secteurs de production, peut aussi représenter un défi. Il est donc impératif d’offrir des solutions de remplacement aux jeunes ainsi qu’aux producteurs et productrices pour qui le temps de vendre est arrivé, mais qui n’ont pas de relève. Rappelons à cet égard qu’en 2021, 77,9 % des fermes québécoises n’avaient pas de plan de relève (66,1 % pour le Canada).
Des outils adaptés comme le Fonds d’investissement pour la relève agricole, le prêt levier et la formule vendeur-prêteur de La Financière agricole du Québec répondent partiellement à cette réalité. La Fiducie agricole UPA-Fondaction, qui a pour objectif de soutenir des jeunes qui démarrent en agriculture tout en protégeant la vocation des terres qu’elle acquiert, apporte une aide complémentaire à ces outils gouvernementaux.
Il faut toutefois aller plus loin en facilitant l’accès au capital, en bonifiant les aides existantes et en accordant un répit financier aux jeunes nouvellement établis, le temps que leur entreprise atteigne une bonne vitesse de croisière et une marge de manœuvre acceptable au regard des liquidités.
Au terme de la présente élection, le gouvernement devra bouger rapidement. Selon Statistique Canada, l’âge moyen des agricultrices et des agriculteurs du Québec est passé de 53 ans à 54 ans entre 2016 et 2021. Il faut inverser cette tendance.
En 2020, le gouvernement québécois a franchi une étape importante avec les modifications significatives apportées au Programme de crédit de taxes foncières agricoles. On est toutefois loin des changements à la fiscalité foncière agricole demandés depuis 2005 par les agricultrices, les agriculteurs et leur relève. Ces jeunes ont l’ambition légitime de nourrir de façon durable leurs concitoyennes et leurs concitoyens. Ils sont essentiels au dynamisme rural et à la pérennisation de notre garde-manger. Le gouvernement du Québec doit leur donner le coup de pouce qu’ils réclament depuis tant d’années.